Les blattes
Tout le monde a entendu parler des blattes, ces insectes qui sont la hantise de nombreuses ménagères et qui provoquent dans notre monde occidental, gêne, dégoût et répulsion, sans trop savoir pourquoi (et les exterminateurs savent bien entretenir ce filon) comme s'il était normal d'avoir horreur de ces petites bestioles, que nous avons affublées de petits noms comme coquerelle (chez nos amis québécois), cancrelat ou cafard. Mais connaissez-vous bien les blattes ?
Qui sont les blattes ?
Les blattes sont des insectes (elles ont 6 pattes). Elles existent depuis environ 350/400 millions d'années (on ne sait ni le jour, ni l'heure exacte), d'après les traces retrouvées dans les fossiles. Pour les férus de paléontologie , cette apparition correspond à peu près au silurien. Les blattes ont connu leur apogée au carbonifère (on en a retrouvé qui faisaient une soixantaine de centimètres !).
Pendant très longtemps les blattes étaient classées parmi les orthoptères, au milieu des criquets et des grillons. Une bataille d'expert et quelques analyses plus poussées ont conduit les entomologistes à classer les blattes dans une famille créée juste pour elles, les Blattidae.
Les spécialistes ont dénombré plus de 4500 espèces et supposent qu'il en reste autant à découvrir. En Amérique du sud, certaines blattes mesurent jusqu'à 10cm. La plupart des blattes vivent sous les tropiques et à l'équateur. Cependant les blattes sont présentes partout dans le monde. La France n'abrite qu'une petite vingtaine de blattes sauvages et cinq blattes domestiques. C'est très peu. Certains diront c'est déjà trop...
Les espèces sauvages
Lors de vos promenades, vous n'avez certainement pas remarqué ces petits insectes. Je vous concède qu'il faut avoir une bonne connaissance de la nature pour les voir, et un sens aigu de l'observation. Pourtant, on peut les trouver au petit matin, biens installées dur les feuilles des arbustes, en train de se faire dorer par les premiers rayons de soleil. Ensuite, les blattes se cachent ou vaquent à leurs occupations, c'est à dire manger des fruits ou des matières organiques en décomposition (feuilles, branches pourries) ou insectes morts. Par endroit, elles peuvent représenter jusqu'à 10% des agents décomposeurs.
Elles élisent domicile souvent sous l'écorce des arbres morts, ou sous de grosses pierres. Certaines se sont spécialisées et ne vivent que dans les grottes ou les cavernes. Les espèces sauvages se retrouvent aussi bien en montagne qu'en plaine voire en plein désert. Il suffit qu'il y ait de l'humidité et de la nourriture. Les plus communes sont la blatte sylvestre et la blatte lapone.
Les espèces domestiques
Je vais vous épargner le nom savant des blattes. Sachez en gros que les blattes domestiques en France se limitent à cinq variétés dont les plus répandues sont la blatte germanique (majoritaire en région parisienne), la blatte américaine, le plus fréquemment dans les villes portuaires (c'est elle normalement qu'on appelle cancrelat) et la blatte orientale, surtout dans le sud-est de la France (cafard).
Pour commencer, il faut dédramatiser. Sachez qu'en milieu urbain, et particulièrement dans les immeubles la présence de blattes est inéluctable et ni la propreté ni l'hygiène de votre appartement n'est en cause. Tout simplement les blattes trouvent là un milieu qui leur convient à merveille, c'est à dire : chaleur, humidité et nourriture. La chaleur, c'est par exemple celle des tuyauteries de chauffage ou d'eau chaude, des moteurs électriques de votre réfrigérateur. J'en ai trouvé une fois dans un néon, contre le lanceur. L'humidité c'est celle de la salle de bain, du lavabo, de l'évier... Les blattes mangent pratiquement de tout (elles sont polyphages) et la nourriture ne manque pas dans les habitations, sur le sol, dans les poubelles, dans les placards... Elles possèdent un gésier (et oui), garni de dents, qui broie les aliment.
Les blattes fuient la lumière et vivent donc essentiellement la nuit. De par leur forme aplatie, elles se faufilent partout et le moindre interstice est une cachette.
Les Blattes et la santé
Les pattes des blattes véhiculent de très nombreuses bactéries qui pourraient être à l'origine de nombreuses infections et maladies comme la peste bubonique, la lèpre, l'hépatite virale, la dysenterie, la fièvre typhoïde et bien d'autres réjouissances encore. On a dénombré plus de quarante types de bactéries pathogènes ainsi que le virus de la poliomyélite.
N'ayez crainte, il n'a jamais été démontré qu'il y avait transmission à l'homme. D'ailleurs les blattes sont très utilisées en laboratoire et les chercheurs ne sont pas plus malades que le reste de la population. De nombreuses personnes élèvent également des blattes pour nourrir leurs lézards, serpents ou autres réjouissances de ce genre et tout se passe bien pour eux.
N'oubliez pas, la faune qui se cache sous vos ongles n'a pas grand chose à envier à ces bestioles. On ne le sait pas, ou on feint de ne pas le savoir. Par contre, ce qui est indéniable c'est qu'il existe une allergie aux blattes un peu semblable à l'allergie aux acariens. Certains avancent qu'en région parisienne 20% des enfants atteints d'asthme ou de rhinite sont allergiques aux blattes. Si vous avez un doute, faites faire un test cutané. En cas d'allergie, il faut désinsectiser très rapidement et régulièrement.
La reproduction des blattesLes blattes muent une dizaine de fois avant d'atteindre leur majorité sexuelle. Les mâles vivent 6 mois environ et les femelles jusqu'à 9 mois pour les petites espèces, et plus d’un an pour les grandes espèces. Là aussi l'espérance de vie est plus importante chez les femelles que chez les mâles.
Les femelles émettent, à destination des mâles, des phéromones (un peu comme une jeune fille qui s'asperge de son parfum préféré) qui veulent dire en langage de blattes "je suis prête à me reproduire". Bien évidemment les mâles ne se font pas prier. Manquerait plus qu'ils fassent les difficiles. Puis le jeune couple esquisse quelques pas de danse. Je frotte mes antennes contre les tiennes, tu frottes tes antennes contre les miennes. Comme ça ? Là je frotte bien ? Puis lassé des ces préliminaires le mâle se glisse hardiment sous la femelle et entreprend une opération de connexion avec l'appendice sexuel de la belle. Lorsque l'arrimage est réussi, il transmet une poche (le spermatophore) qui contient les spermatozoïdes. Un peu comme si on laissait un préservatif plein au fond du vagin de notre partenaire, mais sans le nouer.
La copulation dure (en tout cas pour les blattes germaniques) entre deux et trois heures ce qui est remarquable si on compare à leur espérance de vie.
Normalement, après ce premier rapport, la femelle a en elle assez de semence pour être fertile toute sa vie. Cependant il n'est pas rare qu'elles se fassent fertiliser à nouveau.
Peu après, la femelle pond des œufs (le nombre est très variable suivant les espèces) qui seront fécondés par le sperme contenu dans spermatophore et qui viendront se ranger dans une petite boite nommée oothèque. Un peu comme si la poule pondait directement dans une boite à oeufs. Ensuite elle cherche une bonne cachette dans la maison pour déposer son oothèque ou bien conserve l'oothèque bien accroché à l'abdomen. Chez certaines espèces de blattes l'oothèque reste à l'intérieur de la femelle et ce sont de jeunes blattes qui sortent directement de la femelle.
Les nouveaux-nés apparaissent un mois plus tard. Cette éclosion peut durer jusqu'à 3 heures. La jeune blatte doit jouer à "la grenouille qui voulait être aussi forte que le bœuf" pour sortir à l'air libre. En d'autres termes, elle doit se gonfler d'air pour faire éclater la membrane de l'œuf.
Il faudra de 6 à 10 mues selon les espèce pour que les blattes atteignent le stade adulte. J'ai lu que les yeux noirs des blattes deviennent bleus à l'approche d'une mue. Si vous êtes témoins de ce phénomène, merci de m'envoyer une photo.
Lutte contre les blattes
Déjà pour commencer, il faut les priver de manger pour les affamer. Ceci revient à dire qu'il faut enfermer votre nourriture (céréales, farine, pâtes, riz...) dans des boites fermées hermétiquement. Fini le pain dans un sac en tissu, fini les fruits bien rangés dans votre joli panier en osier. Balayage minutieux, poubelle inviolable (le mieux est de la vider chaque soir), suppression du vide ordure s'il n'est pas encore condamné. Pas de vaisselle qui traîne, lave-vaisselle bien fermé, pas de croquettes la nuit dans la gamelle du chat ou du chien... Etc etc... Les blattes sont résistantes et peuvent rester plusieurs semaine sans manger. Par contre elles consomment beaucoup d'eau. Il faut aussi les priver d'eau. Donc pas de robinets qui gouttent, pas de coupelle remplie d'eau pour le chat.
Autre étape importante, le ménage en grand, à la javel. Bougez les meubles, ôtez les plinthes de votre cuisine aménagée. Nettoyez impérativement le sol derrière celles-ci même si ce n'est pas facile.
Si vous habitez dans une copropriété, demandez au syndic de l'immeuble qu'il fasse faire une désinsectisation, non seulement dans les parties communes, mais aussi dans les parties privatives. Le problème c'est qu'il se trouvera toujours une famille ou deux pour refuser l'accès, prétextant qu'ils n'ont pas de blattes... Et c'est un coup d'épée dans l'eau, ou disons une tranquillité de quelques semaines...
Ceci n'est certes pas suffisant, il faut organiser le combat. Pour cela, il convient d'aller dans votre grande surface habituelle ou chez le droguiste. Les produits ne manquent pas. Par contre parfois l'efficacité n'est pas au rendez-vous...
Je ne vais pas vous citer de marques, mais plutôt des types de produits. Vous pouvez acheter une bombe (voire plusieurs) insecticide ou de la poudre et en vous conformant aux indications, pulvériser le produit sur toutes les plinthes, les passages et nids présumés et les endroits préférés que j'ai cités plus haut. Il vous faudra recommencer quelques jours après car les œufs protégés dans les oothèques vont donner naissance à de nouvelles générations. Vous pouvez également en complément acheter des pièges dans lesquels elles vont s'engluer ou dans lesquels elles vont chercher de la nourriture contaminée, contamination qu'elles vont transmettre à leurs congénères. Il en existe de toutes sortes. Placez-les dans les endroits où vous avez remarqué les plus grandes concentrations. Surveillez les dates de validité des pièges. Elles sont très variables. Pour ceux qui souhaitent une lutte plus biologique, vous pouvez opter pour des "repousseurs" qui émettent des ultrasons. Vos envahisseurs iront chez le voisin. Vous pouvez aussi créer vos propres pièges à blattes, quelques recettes sont disponibles sur le net.
Pour ma part, lors de mes nombreuses pérégrinations, j'ai été confronté deux fois aux blattes et mon cocktail gagnant était une combinaison de bombe insecticide et de pièges avec des appâts contaminés, le tout allié à un nettoyage de l'appartement de fond en comble à la javel. Ça fonctionne, mais il ne faut pas oublier de recommencer au moins une fois 8 à 10 jours plus tard.
En savoir plus sur les blattes
Compte tenu de leur longue présence sur Terre, les blattes ont développé certaines qualités ou aptitudes qui laissent présumer qu'elles sont là pour encore très longtemps. Jugez-en.
Si vous avez cherché à attraper une blatte, vous aurez remarqué qu'elle fuit dès que vous commencez à bouger. En effet, les blattes sont dotées de capteurs sensoriels qui leur permettent de détecter les mouvements d'air autour d'elles ainsi que le sens de ce mouvement d'air. Comme elles réagissent extrêmement vite (11 millisecondes) vous comprenez pourquoi il est si difficile de les capturer.
Les blattes possèdent deux cerveaux. Un dans la tête (jusque là c'est normal) et un dans l'abdomen. Si vous décapitez une blatte elle n'en mourra pas pour si peu. Par contre, elle mourra de soif une dizaine de jours plus tard...
Allez encore une anecdote pour la route ? En cas de nécessité, les pattes des blattes peuvent se détacher, un point de rupture précis est prévu à cet effet (on appelle ça l'autotomie, comme pour la queue des lézards). S'il s'agit de blattes n'ayant pas effectué toutes leurs mues, la patte sera régénérée petit à petit. Plus il reste de mues à effectuer, plus l'apparence de la patte de remplacement sera semblable aux autres pattes.
Les blattes sont très résistantes aux radiations d'origine nucléaire. En effet, un être humain qui est exposé à mille rads meurt au bout de 14 jours. Une blatte exposée à 6400 rads survit sans problème. En laboratoire certaines blatte exposées à 9600 rads pendant 35 jours étaient encore vivantes. Quand l'homme aura disparu, les blattes seront certainement encore là...
En conclusion
Pour conclure, je dirai que l'homme a envahi le territoire des blattes et il essaye d'inverser les rôles. Pour ma part, je ne peux pas dire que j'apprécie cet insecte, qui est certes intéressant, mais qui n'est pas beau, loin s'en faut. Comme je n'ai ni serpent ni lézard à la maison, je n'ai point besoin de mettre en place un élevage.
Par deux fois j'ai eu à combattre les blattes, et on en vient à bout si on respecte scrupuleusement les conseils que j'ai donnés ci-dessus. Et je vous rappelle que ce n'est pas une honte d'avoir des blattes chez soi.
Voilà. Il y aurait bien plus à dire sur cet insecte, et je crois franchement que, même si vous le trouvez répugnant, il méritait d'être mieux connu. D'ailleurs, pour bien combattre un adversaire, il faut apprendre à le connaître.
Et puis ailleurs dans le monde, au Cambodge par exemple, les blattes grillées sont très prisées... Quoi beurk... On mange bien des huîtres vivantes nous et des escargots...
Kriss de Niort le 01/02/2007